
Même sans économies, il est possible de générer une mise de fonds substantielle en utilisant l’effet de levier du Régime d’accession à la propriété (RAP) et du système fiscal.
- La technique du prêt REER vous permet d’emprunter pour cotiser, de générer un important remboursement d’impôt, puis de retirer le tout pour votre mise de fonds.
- La combinaison stratégique du RAP et du CÉLIAPP peut permettre à un couple d’amasser jusqu’à 200 000 $ non imposables pour l’achat d’une propriété.
Recommandation : Analysez vos droits de cotisation REER inutilisés; ils représentent un capital dormant que vous pouvez activer avec un prêt REER pour financer votre projet immobilier.
Pour de nombreux premiers acheteurs au Québec, le rêve de devenir propriétaire se heurte à un mur de briques et de mortier bien réel : la mise de fonds. L’idée reçue est tenace : sans des années d’épargne disciplinée, l’accès à la propriété reste un mirage. On vous a probablement conseillé de cotiser sagement à votre REER, d’attendre, et peut-être un jour, d’utiliser le Régime d’accession à la propriété (RAP). Cette approche, bien que prudente, ignore une réalité : et si vous n’aviez ni l’épargne de départ, ni le temps ?
C’est ici que le rôle du fiscaliste astucieux entre en jeu. Et si la véritable clé n’était pas l’épargne passive, mais une forme d’ingénierie fiscale active et parfaitement légale ? Le RAP n’est pas seulement un compte de retrait. C’est un mécanisme de levier puissant. En le combinant avec des instruments comme le prêt REER et le nouveau CÉLIAPP, il devient possible de créer une mise de fonds « synthétique », générée non pas par vos économies, mais par l’optimisation de vos propres impôts futurs. Vous n’avez pas d’argent dans votre REER ? Qu’à cela ne tienne. Nous allons voir comment emprunter pour en mettre, déclencher un remboursement d’impôt qui deviendra une partie de votre mise de fonds, et ainsi boucler un cycle de liquidité vertueux.
Cet article n’est pas un simple guide sur ce qu’est le RAP. C’est un plan stratégique pour le *forcer* à travailler pour vous, même en partant de zéro. Nous allons décortiquer la mécanique du prêt REER, clarifier les conditions d’admissibilité souvent mal comprises, et arbitrer entre les différentes options de financement pour maximiser chaque dollar de votre mise de fonds. Préparez-vous à voir vos droits de cotisation REER non plus comme un chiffre sur un relevé, mais comme le levier qui pourrait bien vous ouvrir la porte de votre première maison.
Pour naviguer efficacement à travers ces stratégies fiscales avancées, ce guide est structuré pour vous accompagner pas à pas. Le sommaire ci-dessous vous donnera un aperçu complet des tactiques que nous allons explorer pour transformer votre situation fiscale en un puissant outil d’accession à la propriété.
Sommaire : Débloquer votre mise de fonds grâce au RAP et à l’ingénierie fiscale
- La technique du prêt REER : comment emprunter pour râper si vous n’avez pas d’économies ?
- Êtes-vous vraiment « premier acheteur » selon les critères stricts du gouvernement ?
- Rembourser votre RAP sur 15 ans : faut-il accélérer ou payer le minimum ?
- RAP vs CÉLIAPP : comment combiner les deux régimes pour une mise de fonds massive ?
- Que devient le RAP en cas de vente de la maison ou de divorce ?
- Don familial, REER ou CÉLIAPP : quel argent utiliser en premier pour votre mise de fonds ?
- Gain en capital résidence secondaire : comment l’impôt va manger 25% de votre profit ?
- Détenir en nom personnel ou en incorporation : à quel moment la bascule devient-elle payante ?
La technique du prêt REER : comment emprunter pour râper si vous n’avez pas d’économies ?
L’obstacle principal pour la cible de cet article – le premier acheteur avec des droits de cotisation mais sans liquidités – est l’absence de fonds dans le REER pour effectuer un retrait RAP. La solution réside dans une stratégie d’ingénierie fiscale redoutablement efficace : le prêt REER. Le concept est contre-intuitif mais simple : vous empruntez de l’argent à une institution financière, non pas pour une dépense, mais pour le déposer immédiatement dans votre REER. Cet apport déclenche une déduction fiscale, générant un remboursement d’impôt substantiel. Vous pouvez ensuite retirer les fonds via le RAP pour rembourser le prêt initial, et la boucle est bouclée. Le gain net ? Le remboursement d’impôt, qui devient une partie de votre mise de fonds.
Ce schéma crée un puissant effet de levier fiscal. Prenons un exemple chiffré basé sur le nouveau plafond. Un particulier qui emprunte 60 000 $ pour cotiser à son REER peut générer un remboursement d’impôt significatif. En supposant un taux marginal d’imposition combiné (fédéral et Québec) de 40%, le retour d’impôt serait de 24 000 $. En retirant les 60 000 $ via le RAP (non imposable), vous disposez alors de 84 000 $ de liquidités. Après avoir remboursé le prêt de 60 000 $, il vous reste 24 000 $ nets pour votre mise de fonds. Selon une analyse du Centre de fiscalité et de finances publiques de l’Université de Sherbrooke, cette stratégie peut générer jusqu’à 64 876 $ de liquidités totales, en incluant l’économie d’impôt et le retrait RAP.

Le processus, bien que simple en théorie, exige une planification rigoureuse. Il est crucial que les fonds restent dans le compte REER pendant au moins 90 jours avant d’être retirés dans le cadre du RAP, sinon la déduction fiscale pourrait être refusée. Vous devez donc synchroniser votre demande de prêt, votre cotisation REER et le calendrier de votre projet d’achat immobilier. Cette manœuvre transforme vos droits de cotisation REER inutilisés, un actif jusqu’alors dormant, en un puissant catalyseur pour votre mise de fonds.
Êtes-vous vraiment « premier acheteur » selon les critères stricts du gouvernement ?
Le terme « premier acheteur » est souvent interprété de manière trop littérale. Pour être admissible au RAP, la règle générale stipule que vous ne devez pas avoir été propriétaire-occupant de votre résidence principale au cours des quatre années précédant le retrait. Plus précisément, vous ne devez pas avoir occupé une habitation dont vous ou votre conjoint actuel étiez propriétaire durant la période allant du 1er janvier de la quatrième année précédant l’année du retrait jusqu’au 31e jour précédant la date du retrait. Cette définition est plus nuancée qu’il n’y paraît et ouvre la porte à des situations que beaucoup ignorent.
Une des exceptions les plus importantes concerne les séparations. Le fisc reconnaît que les ruptures peuvent forcer un retour sur le marché locatif. Ainsi, une personne peut être de nouveau admissible au RAP même si elle a déjà été propriétaire. Par exemple, depuis 2020, une mesure spécifique a été introduite pour les personnes en situation de rupture : un particulier peut participer au RAP même s’il ne respecte pas le critère de base, à condition qu’il vive séparément de son époux ou conjoint de fait depuis au moins 90 jours en raison de l’échec de leur union. Cela permet à une personne de racheter une propriété sans devoir attendre la fin de la période de quatre ans, facilitant grandement la transition post-séparation.
D’autres questions se posent fréquemment. Peut-on utiliser le RAP une deuxième fois ? Oui, à condition que le solde de votre RAP précédent soit entièrement remboursé et que vous respectiez à nouveau la condition de ne pas avoir été propriétaire-occupant pendant la période de quatre ans. Qu’en est-il si un ex-conjoint habite toujours l’ancienne propriété commune ? La situation se complexifie et dépend de votre statut de résidence durant les quatre dernières années. De même, hériter d’une part d’un chalet familial peut vous disqualifier si vous y avez résidé, même temporairement, en tant que résidence principale. Chaque cas est unique et mérite une analyse fiscale précise pour confirmer l’admissibilité.
Rembourser votre RAP sur 15 ans : faut-il accélérer ou payer le minimum ?
Une fois le retrait RAP effectué, une nouvelle obligation fiscale apparaît : le remboursement. Le programme vous accorde une période de 15 ans pour remettre les fonds dans votre REER, à compter de la deuxième année suivant le retrait. La règle de base est simple : vous devez rembourser au minimum 1/15e du montant total retiré chaque année. Si vous retirez 60 000 $, cela équivaut à un remboursement annuel de 4 000 $. Tout montant non remboursé au cours d’une année est ajouté à votre revenu imposable pour cette même année. La question stratégique n’est donc pas *si* vous devez rembourser, mais *comment* : se contenter du minimum ou accélérer le processus ?
Cette décision relève d’un arbitrage fiscal entre liquidités à court terme et croissance de l’épargne à long terme. Payer le minimum libère du capital que vous pouvez utiliser pour d’autres besoins : rénovations, investissements dans un CÉLI, ou simplement pour alléger votre budget mensuel. À l’inverse, accélérer le remboursement permet de reconstituer plus rapidement votre espace de cotisation REER, et de relancer au plus vite le moteur de la croissance composée à l’abri de l’impôt. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, seulement une stratégie adaptée à votre profil financier.
Le tableau suivant, basé sur une analyse des stratégies de remboursement, illustre les avantages et inconvénients de chaque approche pour vous aider à prendre une décision éclairée.
| Stratégie | Avantages | Inconvénients | Idéal pour |
|---|---|---|---|
| Remboursement minimum | Plus de liquidités disponibles Possibilité d’investir ailleurs (CÉLI) |
Perte de croissance REER Risque d’oubli de paiement |
Jeunes avec horizon long |
| Remboursement accéléré | Récupération rapide de l’espace REER Croissance composée maximisée |
Moins de liquidités court terme Moins de flexibilité financière |
Hauts revenus près de la retraite |
Pour un jeune professionnel en début de carrière, opter pour le remboursement minimum et diriger les liquidités excédentaires vers un CÉLI peut être plus judicieux. La croissance dans un CÉLI est totalement exempte d’impôt, alors que les retraits d’un REER à la retraite seront imposés. Pour une personne à revenu élevé approchant de la retraite, accélérer le remboursement du RAP pour maximiser les déductions REER et la croissance à l’abri de l’impôt peut s’avérer la meilleure stratégie.
RAP vs CÉLIAPP : comment combiner les deux régimes pour une mise de fonds massive ?
L’arrivée du Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CÉLIAPP) a bouleversé les stratégies d’accession à la propriété. Loin d’être concurrents, le RAP et le CÉLIAPP sont deux outils puissamment complémentaires. Le CÉLIAPP combine le meilleur des deux mondes : les cotisations sont déductibles d’impôt (comme le REER) et les retraits pour l’achat d’une propriété sont non imposables (comme le CÉLI). Un particulier peut y cotiser jusqu’à 8 000 $ par an, pour un plafond à vie de 40 000 $. La véritable puissance réside dans la possibilité de les utiliser de manière conjointe pour un même achat.
La stratégie optimale pour un couple est de maximiser les deux régimes. Imaginez un couple québécois où chaque conjoint ouvre un CÉLIAPP et cotise le maximum sur cinq ans, atteignant 40 000 $ chacun (total 80 000 $). Parallèlement, ils utilisent la technique du prêt REER pour cotiser et retirer le maximum de 60 000 $ chacun de leur RAP (total 120 000 $). En combinant les deux, ce couple peut ainsi amasser une mise de fonds massive de 200 000 $. Cette somme permet non seulement d’accéder à des propriétés plus chères, mais surtout d’atteindre le seuil de 20% de mise de fonds, évitant ainsi l’assurance prêt hypothécaire de la SCHL, une économie de plusieurs milliers de dollars.

La question se pose alors : dans quel ordre cotiser ? Pour un jeune adulte qui commence à épargner, la priorité devrait aller au CÉLIAPP. Mais la stratégie la plus astucieuse est hybride, comme le souligne un expert. Dans une entrevue pour le magazine Protégez-Vous, Charles Hunter-Villeneuve, fiscaliste et planificateur financier, offre un conseil d’initié :
Je recommanderais à un jeune adulte de choisir le CELIAPP dans les premières années et, quelques mois avant l’achat de la propriété, d’effectuer un prêt REER afin de rattraper les droits REER inutilisés et de pouvoir RAPer.
– Charles Hunter-Villeneuve, Fiscaliste et planificateur financier, Banque Nationale Gestion privée
Cette approche permet de profiter de la flexibilité du CÉLIAPP tout en utilisant l’effet de levier du prêt REER au moment le plus opportun pour maximiser la mise de fonds et le remboursement d’impôt juste avant l’achat.
Que devient le RAP en cas de vente de la maison ou de divorce ?
La vie est pleine d’imprévus. Un déménagement pour le travail, une séparation ou simplement le désir de changer de maison peuvent vous amener à vendre votre propriété avant d’avoir terminé de rembourser votre RAP. Que se passe-t-il alors ? Contrairement à une croyance populaire, vendre la maison ne déclenche pas automatiquement le remboursement immédiat du solde de votre RAP. Vous conservez une certaine flexibilité et plusieurs options s’offrent à vous.
Lors de la vente, vous devez décider comment gérer le solde restant de votre RAP. Voici les principales avenues possibles :
- Rembourser le solde complet : Vous pouvez utiliser une partie du profit de la vente pour rembourser la totalité de votre RAP. Cela libère votre obligation fiscale et reconstitue votre espace REER.
- Continuer les remboursements annuels : Vous pouvez choisir de ne rien changer et de continuer à effectuer vos remboursements annuels de 1/15e, même si vous n’êtes plus propriétaire. Vous respectez ainsi l’échéancier initial.
- Inclure le solde dans vos revenus : Si vous ne remboursez pas le montant annuel requis, celui-ci s’ajoute à votre revenu imposable. Vous pouvez aussi choisir d’inclure le solde total dans vos revenus une année donnée, bien que cela puisse entraîner une facture fiscale salée.
- Transférer le RAP : Si vous rachetez une autre habitation admissible dans l’année, il est parfois possible de transférer l’obligation de remboursement à cette nouvelle propriété, mais les règles sont strictes.
Un autre scénario crucial est l’échec de l’achat. Si vous retirez des fonds pour le RAP mais que la transaction immobilière n’aboutit pas, vous avez la possibilité d’annuler votre participation. Pour ce faire, vous devez rembourser la totalité des fonds retirés dans votre REER. Il y a une date limite stricte pour cette annulation : vous devez le faire avant le 1er octobre de l’année suivant le retrait pour éviter que le montant ne soit inclus dans vos revenus. Cette flexibilité est une soupape de sécurité essentielle pour les acheteurs naviguant dans un marché immobilier compétitif.
Don familial, REER ou CÉLIAPP : quel argent utiliser en premier pour votre mise de fonds ?
Lorsqu’on assemble une mise de fonds, plusieurs sources de capital peuvent être disponibles : un don des parents, des économies dans un CÉLI, ou les fonds accessibles via le RAP et le CÉLIAPP. L’erreur commune est de les considérer comme interchangeables. En réalité, chaque source a un coût d’opportunité fiscal différent. Un fiscaliste astucieux ne les utilisera pas au hasard, mais selon une hiérarchie précise pour maximiser la valeur à long terme.
La stratégie la plus efficace ne consiste pas à utiliser le don familial directement pour la mise de fonds. Il faut plutôt le « recycler » à travers le système fiscal. Un exemple concret illustre cette puissance : un jeune professionnel reçoit 20 000 $ de ses parents. Au lieu de les verser directement au notaire, il dépose cette somme dans son REER. En supposant un taux marginal de 40%, il génère immédiatement un remboursement d’impôt de 8 000 $. Il retire ensuite les 20 000 $ via le RAP. Résultat : il dispose maintenant de 28 000 $ (les 20 000 $ du RAP + les 8 000 $ de retour d’impôt) pour sa mise de fonds, au lieu des 20 000 $ initiaux. Le don a été amplifié de 40% par l’ingénierie fiscale.
Cet exemple démontre qu’il existe un ordre logique d’utilisation des fonds. Le tableau suivant présente une hiérarchie optimale des sources de financement, classées selon leur avantage fiscal et leur coût d’opportunité.
| Rang | Source | Avantage fiscal | Coût d’opportunité | Remboursement requis |
|---|---|---|---|---|
| 1 | Don familial | Aucun impôt | Aucun | Non |
| 2 | CELIAPP | Déduction + retrait non imposable | Aucun | Non |
| 3 | RAP (REER) | Déduction à l’entrée | Croissance perdue | Oui (15 ans) |
| 4 | CELI | Aucune déduction | Croissance future perdue | Non |
Le don familial est en première position car il est « gratuit » fiscalement et peut être utilisé comme levier, comme démontré plus haut. Le CÉLIAPP suit, offrant à la fois une déduction à l’entrée et un retrait non imposable, le meilleur des deux mondes. Le RAP vient ensuite, car bien qu’il offre une déduction, il impose un remboursement et une perte de croissance composée. Enfin, le CÉLI, bien que flexible, ne fournit aucune déduction à la cotisation, ce qui en fait la dernière source à mobiliser pour une mise de fonds.
À retenir
- La technique du prêt REER est la clé pour activer le RAP et générer une mise de fonds même sans épargne initiale.
- La combinaison du RAP (jusqu’à 60 000 $) et du CÉLIAPP (jusqu’à 40 000 $) par personne offre une puissance de feu inégalée pour la mise de fonds d’un couple.
- L’ordre d’utilisation des fonds est crucial : il faut prioriser le recyclage d’un don familial, puis le CÉLIAPP, le RAP, et enfin le CÉLI.
Gain en capital résidence secondaire : comment l’impôt va manger 25% de votre profit ?
Bien que votre objectif actuel soit l’achat de votre première propriété, un fiscaliste avisé planifie toujours plusieurs coups à l’avance. Il est plausible que dans quelques années, votre première propriété devienne un bien locatif (une résidence secondaire d’un point de vue fiscal) lorsque vous achèterez une plus grande maison. C’est à ce moment que la notion de gain en capital entre en jeu, et les règles se sont récemment durcies.
Lorsque vous vendez une résidence secondaire ou un immeuble locatif, le profit que vous réalisez – la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ajusté – est un gain en capital. Une partie de ce gain est imposable. Le budget fédéral 2024 a resserré la vis : alors que la première tranche de 250 000 $ de gain en capital annuel reste imposée à un taux d’inclusion de 50%, tout montant excédentaire verra son taux d’inclusion grimper. Selon les nouvelles règles du budget fédéral, le taux d’inclusion passera à 66,7% pour la portion du gain excédant 250 000 $. Concrètement, si votre taux marginal d’imposition est de 50%, cela signifie que l’impôt pourrait gruger plus de 33% de votre profit au-delà de ce seuil.
Il existe cependant des stratégies pour gérer cet impôt. Une manœuvre essentielle est la déclaration de changement d’usage. Imaginons que vous utilisiez le RAP pour acheter votre premier condo à Montréal. Cinq ans plus tard, vous achetez une maison en banlieue et décidez de louer votre condo. Au lieu de vendre, vous pouvez produire le formulaire T2091 (Désignation d’un bien comme résidence principale) auprès de l’ARC. Cette action « cristallise » la valeur marchande de votre condo au moment du changement d’usage. Le gain en capital accumulé pendant que c’était votre résidence principale est protégé par l’exemption pour résidence principale. L’impôt sur le gain en capital ne s’appliquera que sur la plus-value future, à partir du moment où il devient un bien locatif, et sera payable seulement lors de la vente effective du bien. Cela permet de différer, et potentiellement de mieux planifier, l’impact fiscal.
Détenir en nom personnel ou en incorporation : à quel moment la bascule devient-elle payante ?
En tant que premier acheteur, la question ne se pose pas : l’acquisition se fera en nom personnel. C’est une condition sine qua non pour bénéficier du RAP. Comme le rappelle le Centre de fiscalité et finances publiques, le message est sans équivoque :
Le RAP est exclusivement pour les personnes physiques. Une société par actions ne peut pas utiliser le RAP et la propriété doit être achetée au nom personnel pour en bénéficier.
– Centre de fiscalité et finances publiques, Université de Sherbrooke – Guide des mesures fiscales
Cependant, pour les acheteurs qui sont également entrepreneurs ou travailleurs autonomes incorporés, des stratégies avancées existent pour lier ces deux mondes. L’objectif est d’extraire les profits de la société de la manière la plus fiscalement avantageuse possible pour les transformer en mise de fonds personnelle. Il ne s’agit pas de faire acheter la propriété par la compagnie, mais d’utiliser la structure corporative pour financer l’achat personnel.
Pour l’entrepreneur, la stratégie consiste à se verser un revenu (salaire ou dividende) de sa société, de le cotiser à son REER personnel pour obtenir une déduction, puis de le retirer via le RAP. Le choix entre salaire et dividende est un arbitrage fiscal complexe qui dépend des revenus de la société et de la situation personnelle de l’actionnaire. Un dividende, par exemple, bénéficie d’un crédit d’impôt qui peut rendre cette option plus attractive dans certains cas. L’orchestration de ces flux financiers demande une planification minutieuse, souvent réalisée avec l’aide d’un comptable ou d’un fiscaliste.
Plan d’action : transformer vos profits d’entreprise en mise de fonds
- Analyse des revenus : Simulez l’impact fiscal d’un versement par salaire versus par dividende pour déterminer le plus optimal. (Livrable : Document de simulation comparative).
- Optimisation du versement : Versez-vous le dividende (ou salaire) déterminé par votre analyse pour maximiser l’efficacité fiscale. (Livrable : Preuve de la transaction de la société vers votre compte personnel).
- Cotisation stratégique : Déposez ce montant dans votre REER personnel, idéalement dans les 60 premiers jours de l’année pour qu’il s’applique à l’année fiscale précédente. (Livrable : Reçu de cotisation REER officiel).
- Activation du RAP : Remplissez et soumettez le formulaire T1036 (Régime d’accession à la propriété – Demande de retrait) à votre institution financière. (Livrable : Copie du formulaire T1036 soumis).
- Planification du remboursement : Établissez un échéancier sur 15 ans pour réintégrer les fonds dans votre REER, en optimisant chaque année le type de revenu à vous verser pour effectuer le remboursement. (Livrable : Échéancier de remboursement annuel).
Maintenant que vous êtes armé de ces stratégies d’ingénierie fiscale, l’étape suivante consiste à passer de la théorie à la pratique en évaluant précisément vos droits de cotisation et en contactant une institution financière pour discuter des modalités d’un prêt REER. C’est le premier pas concret pour transformer vos impôts en capital immobilier.
Questions fréquentes sur l’utilisation du RAP pour une mise de fonds
Puis-je utiliser le RAP une deuxième fois dans ma vie?
Oui, vous pouvez profiter du régime d’accession à la propriété une fois tous les 4 ans, à condition d’avoir remboursé intégralement le RAP précédent et de ne pas avoir été propriétaire-occupant de votre résidence principale pendant cette même période de 4 ans.
Mon ex-conjoint vit encore dans notre ancienne maison, suis-je admissible?
Si votre ex-conjoint occupe toujours la résidence dont vous étiez copropriétaire et que vous n’y avez pas habité depuis 4 ans, votre admissibilité n’est pas automatique. Elle dépendra de votre statut de résidence exact durant la période de qualification. Une analyse au cas par cas est nécessaire, notamment à la lumière des assouplissements pour situation de rupture.
J’ai hérité d’une part de chalet familial, cela affecte-t-il mon admissibilité?
Potentiellement, oui. Si vous possédez une part dans une propriété, même secondaire, vous pourriez ne pas être considéré comme un premier acheteur par l’ARC. L’exception principale serait si vous n’avez jamais utilisé ce chalet comme votre résidence principale.