
La peur des poursuites paralyse de nombreux copropriétaires compétents, mais la responsabilité personnelle d’un administrateur découle rarement d’une seule erreur, mais plutôt d’une « cascade d’omissions » prévisibles.
- Une gouvernance proactive et la connaissance des lois (comme la Loi 16) sont votre meilleur bouclier, bien plus qu’une simple assurance.
- La complexité de la gestion, et donc le risque, augmente avec le nombre d’unités, rendant le recours à des professionnels parfois inévitable.
Recommandation : Transformez votre crainte en action en comprenant les mécanismes de la responsabilité pour protéger non seulement votre patrimoine personnel, mais aussi la valeur de l’ensemble de la copropriété.
L’appel est lancé à chaque assemblée générale annuelle (AGA) : « Nous cherchons des volontaires pour siéger au conseil d’administration ». Un silence pesant s’installe. Les regards se fuient. Derrière cette hésitation se cache une crainte légitime et grandissante : celle d’être tenu personnellement responsable des erreurs, des oublis, des décisions qui pourraient mal tourner. En tant que copropriétaire, vous souhaitez vous impliquer, mais l’idée d’une poursuite civile contre votre patrimoine personnel est un puissant frein.
Beaucoup pensent que la bonne foi et la souscription à une assurance responsabilité pour administrateurs et dirigeants (A&D) suffisent à écarter tout danger. Si ces éléments sont essentiels, ils ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ils ne protègent pas contre la négligence ou l’ignorance des obligations de plus en plus complexes qui pèsent sur les syndicats de copropriété au Québec. La véritable source de risque n’est pas la malveillance, mais ce que l’on peut appeler la cascade d’omissions : un petit oubli administratif qui, combiné à un manque de suivi, déclenche une série de conséquences menant à un préjudice financier pour le syndicat ou un copropriétaire.
Mais si la clé n’était pas de craindre la responsabilité, mais plutôt de la maîtriser ? Si, en comprenant précisément où et comment ces cascades d’omissions commencent, vous pouviez transformer ce rôle redouté en une opportunité de protéger et de valoriser activement votre propre investissement ? Cet article n’est pas une simple liste d’obligations. C’est une feuille de route pour transformer la peur en un système de gouvernance proactive.
Nous allons décortiquer les huit points de rupture les plus courants où la responsabilité d’un administrateur peut être engagée. De la gestion des chicanes de voisins à l’impact de la Loi 16, vous découvrirez comment mettre en place des pare-feux efficaces pour non seulement vous protéger, mais aussi assurer la pérennité et la saine gestion du patrimoine collectif que représente votre immeuble.
Sommaire : Comprendre et maîtriser la responsabilité d’un administrateur de copropriété au Québec
- Gestion autogérée vs Gestionnaire pro : à partir de combien d’unités le bénévolat devient-il risqué ?
- Le registre de copropriété : quels documents devez-vous obligatoirement rendre accessibles aux copropriétaires ?
- Médiation entre voisins : quel est le rôle du CA dans les chicanes de bruit et d’odeurs ?
- L’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants : pourquoi est-elle vitale pour protéger votre patrimoine perso ?
- Démission du conseil : comment assurer la continuité quand plus personne ne veut s’impliquer ?
- Absence à l’AGA : comment les absents donnent-ils le pouvoir à la minorité active ?
- Loi sur le courtage : comment l’OACIQ vous protège mieux que les régulateurs voisins ?
- Loi 16 et carnet d’entretien : pourquoi votre condo va-t-il perdre de la valeur si vous n’êtes pas à jour ?
Gestion autogérée vs Gestionnaire pro : à partir de combien d’unités le bénévolat devient-il risqué ?
La décision entre l’autogestion et l’embauche d’un gestionnaire professionnel est souvent le premier jalon de la gouvernance d’un syndicat. Pour les petites copropriétés de quelques unités, l’autogestion par des administrateurs bénévoles semble non seulement économique, mais aussi logique. Les communications sont simples, les décisions rapides et les enjeux financiers limités. Cependant, il existe un point de rupture du bénévolat, un seuil où la complexité des tâches, le volume des communications et le poids des obligations légales dépassent la capacité et le temps que des volontaires peuvent raisonnablement y consacrer.
Ce point de rupture n’est pas un chiffre magique, mais il se situe souvent autour de 20 à 30 unités. Au-delà, le suivi des comptes, la gestion des contrats, l’application des règlements et la préparation des nouvelles obligations (comme celles de la Loi 16) deviennent un travail à temps partiel. C’est à ce stade que le risque d’une « cascade d’omissions » augmente de façon exponentielle. Un administrateur bien intentionné mais débordé peut oublier de renouveler un contrat d’assurance, négliger le suivi d’un paiement ou mal interpréter une nouvelle exigence légale. Chacun de ces oublis peut engager sa responsabilité.
Faire appel à un gestionnaire professionnel n’est pas un aveu d’échec, mais un acte de gouvernance proactive. Cela permet de transférer les tâches opérationnelles à un expert, laissant au conseil d’administration son rôle stratégique : superviser, décider et veiller aux intérêts à long terme du patrimoine collectif. Le coût d’un gestionnaire doit être analysé non pas comme une dépense, mais comme une assurance contre les erreurs coûteuses et les risques de poursuites.
L’analyse comparative suivante illustre clairement les compromis entre les deux modèles de gestion. Elle permet de visualiser comment le coût de la tranquillité d’esprit se mesure face à la charge de travail bénévole.
| Type de gestion | Coût moyen par unité/mois | Avantages | Inconvénients |
|---|---|---|---|
| Autogestion (avec outils) | 0-5 $ / unité | Contrôle total, économique | Charge de travail bénévole importante, risque d’erreurs et d’omissions |
| Gestion professionnelle | 25-60 $ / unité | Expertise, disponibilité, conformité légale | Coût récurrent, perte de contrôle direct sur les opérations quotidiennes |
En fin de compte, la question n’est pas « pouvons-nous nous le permettre ? », mais plutôt « pouvons-nous nous permettre de ne pas le faire ? ». Un syndicat bien géré, même avec les frais d’un professionnel, coûtera toujours moins cher qu’un syndicat englué dans les litiges et les réparations d’urgence dues à la négligence.
Le registre de copropriété : quels documents devez-vous obligatoirement rendre accessibles aux copropriétaires ?
Le registre de la copropriété est souvent perçu comme une simple formalité administrative. En réalité, il est le cœur du réacteur informationnel du syndicat et une source majeure de responsabilité pour les administrateurs. Selon le Code civil du Québec, le conseil d’administration a l’obligation de tenir à la disposition des copropriétaires un registre contenant des documents clés : la déclaration de copropriété, les procès-verbaux des assemblées, les états financiers, et plus encore. Le non-respect de cette obligation de transparence n’est pas anodin.
L’enjeu va bien au-delà de la simple consultation. Un registre incomplet ou inaccessible peut empêcher un copropriétaire de prendre une décision éclairée, que ce soit pour voter à une assemblée ou pour vendre son unité. C’est ici que la cascade d’omissions peut s’enclencher. Imaginez un copropriétaire qui vote une résolution sans avoir eu accès au procès-verbal précédent qui en expliquait les implications financières. S’il subit un préjudice, il pourrait se retourner contre les administrateurs pour manquement à leur devoir de diligence et de transparence. La tenue rigoureuse du registre est donc une défense de première ligne contre les allégations de mauvaise gestion.
De plus, la gestion des finances est intrinsèquement liée au registre. Les états financiers et les budgets qui y sont conservés justifient la répartition des charges communes. Il n’est donc pas surprenant que, selon une analyse juridique publiée dans la revue Droit et Ville, une part significative du contentieux en copropriété au Québec concerne justement les réclamations liées à ces charges. Un registre clair et complet permet de justifier chaque dollar demandé et de couper court à de nombreuses contestations avant qu’elles ne deviennent des litiges.
Les documents obligatoires à rendre accessibles incluent, sans s’y limiter :
- La déclaration de copropriété et ses modifications.
- Les procès-verbaux des assemblées de copropriétaires et des réunions du conseil d’administration.
- Les états financiers et le budget prévisionnel.
- Le carnet d’entretien et l’étude du fonds de prévoyance (obligations de la Loi 16).
- Les contrats auxquels le syndicat est partie (assurance, entretien, gestion, etc.).
Assurer un accès simple et rapide à ces informations, par exemple via un portail en ligne sécurisé, n’est plus un luxe. C’est un investissement essentiel pour prouver la diligence du conseil, prévenir les conflits et, ultimement, protéger les administrateurs.
Médiation entre voisins : quel est le rôle du CA dans les chicanes de bruit et d’odeurs ?
Les conflits de voisinage — la musique trop forte, les odeurs de cuisson envahissantes, les disputes sur les places de stationnement — sont une réalité inévitable de la vie en condo. Pour de nombreux copropriétaires, le premier réflexe est de se tourner vers le conseil d’administration, attendant de lui qu’il joue le rôle d’arbitre, de juge et de policier. C’est un piège dans lequel de nombreux administrateurs bénévoles tombent, s’exposant à des risques importants. Le rôle du CA n’est pas de régler la chicane personnelle, mais de faire respecter les dispositions de la déclaration de copropriété.
La nuance est cruciale. Si un copropriétaire se plaint du bruit, le CA doit vérifier si ce bruit contrevient à un règlement de l’immeuble (par exemple, un règlement interdisant le bruit excessif après 23h). Si c’est le cas, le CA a le devoir d’agir en envoyant un avis formel au copropriétaire fautif. Son action vise à faire cesser le trouble à la jouissance des autres, une obligation qui lui incombe. En revanche, si le conflit est de nature plus subjective ou personnelle, sans violation claire du règlement, le CA doit rester neutre. Tenter de trancher qui a « raison » ou « tort » expose les administrateurs à des accusations de partialité et peut même envenimer la situation.

Une gouvernance proactive dans ce contexte signifie avoir une procédure claire. À la première plainte, le CA doit rappeler aux parties concernées les règlements en vigueur et les encourager à communiquer entre elles. Si le problème persiste et qu’il y a une violation avérée, le CA doit appliquer la procédure prévue dans la déclaration (avis, pénalités, etc.). S’il n’y a pas de violation claire mais que le conflit perdure, la meilleure stratégie est de recommander une médiation externe. Comme le souligne un expert, savoir déléguer est une compétence clé. Selon Gilles Tremblay de CGC – Conseiller Gestion Condos :
Selon la situation, le conseil d’administration pourrait faire appel à un professionnel de la copropriété pour obtenir un accompagnement tout au long de ce processus.
– Gilles Tremblay, CGC – Conseiller Gestion Condos
En agissant comme un facilitateur qui rappelle les règles et oriente vers des solutions professionnelles, le CA remplit son mandat sans s’exposer inutilement. Il protège la quiétude de l’immeuble tout en se protégeant lui-même.
L’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants : pourquoi est-elle vitale pour protéger votre patrimoine perso ?
L’assurance responsabilité civile des administrateurs et dirigeants (A&D), souvent appelée « D&O » en anglais, n’est pas une option, c’est une obligation légale au Québec pour tous les syndicats de copropriété. Pour un copropriétaire qui hésite à s’impliquer, elle représente la protection la plus directe de son patrimoine personnel. Cette assurance a pour but de couvrir les frais de défense et les dommages-intérêts éventuels découlant d’une poursuite intentée contre un administrateur pour une faute, une erreur ou une omission commise dans l’exercice de ses fonctions.
Le simple fait d’être poursuivi, même si l’allégation est non fondée, peut engendrer des dizaines de milliers de dollars en frais d’avocat. Sans assurance A&D, ces frais seraient à la charge personnelle des administrateurs visés. C’est une situation qui peut mener à la ruine financière. La loi impose donc cette protection, et selon le RGCQ concernant l’assurance responsabilité des administrateurs, la couverture minimale requise varie généralement de un à deux millions de dollars, en fonction de la taille de la copropriété. Ne pas souscrire une couverture suffisante est en soi une faute grave. En effet, des experts juridiques préviennent que les administrateurs pourraient engager leur responsabilité personnelle vis-à-vis des copropriétaires s’ils souscrivent un contrat qui ne respecte pas le cadre législatif.
Cependant, il est crucial de comprendre que cette assurance n’est pas un chèque en blanc. Elle ne couvre pas les fautes intentionnelles, la fraude, le détournement de fonds ou les gestes posés en sachant qu’ils violent la loi. Elle protège contre l’erreur humaine commise de bonne foi. Le tableau suivant détaille les types de fautes généralement couvertes, ce qui permet de mieux cerner l’étendue de cette protection essentielle.
Ce tableau comparatif des fautes, basé sur les informations disponibles auprès d’organismes comme Protégez-Vous, aide à démystifier la couverture offerte.
| Type de faute | Couvert par D&O | Exemple concret |
|---|---|---|
| Faute de gestion | Oui | Oubli de renouveler l’assurance de l’immeuble |
| Erreur de jugement | Oui | Choix d’un entrepreneur peu qualifié qui cause des dommages |
| Négligence non intentionnelle | Oui | Retard dans la commande de l’étude du fonds de prévoyance |
| Fraude/Faute intentionnelle | Non | Détournement des fonds de la copropriété |
En somme, l’assurance A&D ne rend pas un administrateur infaillible, mais elle lui permet d’exercer ses fonctions sans la crainte paralysante qu’une simple erreur de jugement ne détruise sa vie financière. C’est la condition sine qua non à un engagement serein.
Démission du conseil : comment assurer la continuité quand plus personne ne veut s’impliquer ?
L’un des scénarios les plus risqués pour une copropriété est la « crise de gouvernance » : une démission en bloc des administrateurs ou l’incapacité à trouver des remplaçants, laissant le syndicat sans direction. Dans une telle situation, la cascade d’omissions s’accélère de façon vertigineuse. Qui paiera les factures ? Qui supervisera les travaux ? Qui convoquera la prochaine assemblée ? Sans conseil d’administration, la copropriété devient un navire sans capitaine, et sa valeur peut rapidement décliner.
Un administrateur a le droit de démissionner. Cependant, cette démission doit être faite de manière responsable. Comme le précise le Barreau du Québec, un administrateur doit s’assurer que sa démission ne cause pas un préjudice sérieux au syndicat. L’article 1104 du Code civil du Québec encadre la fin du mandat. Le but est d’éviter une vacance du pouvoir. La responsabilité d’un conseil sortant inclut donc la préparation de la relève. Un CA qui ne fait rien pour susciter de nouvelles candidatures et qui démissionne en laissant un vide commet une faute de gestion.
La solution réside dans une culture de la continuité. Il ne faut pas attendre l’AGA pour chercher désespérément des volontaires. La gouvernance proactive implique de cultiver l’intérêt des copropriétaires tout au long de l’année. Mettre en place des comités consultatifs, offrir de la formation ou organiser des séances d’information sur le rôle d’administrateur sont des stratégies efficaces pour démystifier la fonction et identifier de futurs candidats. La documentation claire des processus et des responsabilités est également un outil puissant pour rassurer ceux qui hésitent à s’engager.
Pour éviter la crise, le conseil d’administration doit penser à sa propre succession comme à l’une de ses tâches principales. Voici un plan d’action concret pour bâtir une relève solide et assurer une transition en douceur.
Plan d’action : Cultiver la relève au sein du conseil d’administration
- Créer des comités consultatifs : Mettre en place des comités thématiques (ex: comité espaces verts, comité social) pour impliquer les copropriétaires sur des projets spécifiques et les familiariser avec la prise de décision.
- Offrir des formations : Proposer des formations gratuites aux copropriétaires intéressés sur la gestion de copropriété, par exemple via des organismes comme le RGCQ.
- Instaurer un programme de mentorat : Organiser un jumelage entre les administrateurs sortants et les nouveaux candidats pour assurer un transfert de connaissances efficace.
- Considérer une rémunération symbolique : Faire voter en assemblée la possibilité d’une rémunération symbolique pour les administrateurs, afin de reconnaître le temps investi.
- Documenter les rôles et processus : Créer un « guide de l’administrateur » clair qui détaille les tâches, les responsabilités et les procédures, pour rassurer les candidats potentiels sur ce qui est attendu d’eux.
En fin de compte, la meilleure façon de protéger le syndicat (et donc la valeur de chaque condo) est de s’assurer qu’il y aura toujours des personnes compétentes et volontaires pour le diriger. C’est un investissement dans le capital humain de la copropriété.
Absence à l’AGA : comment les absents donnent-ils le pouvoir à la minorité active ?
L’assemblée générale annuelle (AGA) est le cœur de la démocratie en copropriété. C’est le seul moment où tous les copropriétaires peuvent voter sur des décisions cruciales : l’élection des administrateurs, l’approbation du budget, l’autorisation de travaux importants. Pourtant, dans de nombreux syndicats, le taux de participation est chroniquement faible. Cet absentéisme n’est pas sans conséquence. Il crée un vide qui est souvent comblé par une minorité active.
Une minorité active est un petit groupe de copropriétaires qui, par leur présence et leur participation constantes, peuvent finir par imposer leur vision, même si celle-ci ne représente pas l’intérêt de la majorité silencieuse. Le danger est que cette vision soit à court terme. Par exemple, une minorité active pourrait voter systématiquement contre des augmentations de charges de copropriété nécessaires pour alimenter adéquatement le fonds de prévoyance, préférant garder les frais bas aujourd’hui au détriment de la santé financière de l’immeuble demain. Lorsque des travaux majeurs et imprévus deviennent inévitables, c’est l’ensemble des copropriétaires qui devra assumer une cotisation spéciale salée.

Pour un administrateur, cet absentéisme est un risque. Un conseil d’administration qui propose un budget rigoureux et conforme aux recommandations d’une étude du fonds de prévoyance peut voir son travail rejeté par une poignée de copropriétaires présents, alors que la majorité absente aurait probablement soutenu cette approche prudente. Les administrateurs se retrouvent alors dans une position difficile : appliquer une décision qu’ils savent mauvaise pour le patrimoine collectif, ou entrer en conflit avec une partie de leur électorat. La responsabilité des administrateurs est d’agir dans le meilleur intérêt du syndicat, mais la passivité des copropriétaires leur complique la tâche.
La gouvernance proactive consiste ici à mobiliser et éduquer. Le CA doit communiquer en amont de l’AGA, en expliquant clairement les enjeux des résolutions qui seront votées. L’utilisation de procurations et la tenue d’assemblées hybrides (présentiel et virtuel) sont des outils puissants pour augmenter la participation et s’assurer que les décisions prises reflètent véritablement la volonté de la majorité. En ne participant pas, les absents ne font pas que renoncer à leur droit de vote : ils transfèrent le pouvoir de décision sur leur propre investissement à leurs voisins.
En fin de compte, la responsabilité de la saine gestion est partagée. Les administrateurs doivent diriger avec diligence, mais les copropriétaires ont le devoir de participer pour assurer que la direction prise est la bonne pour tous.
Loi sur le courtage : comment l’OACIQ vous protège mieux que les régulateurs voisins ?
Lorsqu’un copropriétaire décide de vendre son unité, le syndicat de copropriété, par l’intermédiaire de son conseil d’administration, devient un acteur clé de la transaction. La Loi sur le courtage immobilier et les règlements de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) imposent un cadre strict visant à protéger l’acheteur. Cette protection rejaillit sur les administrateurs en leur fournissant un cadre clair, mais aussi en leur imposant des obligations précises dont le non-respect peut engager leur responsabilité.
L’une des obligations fondamentales est de fournir à un acheteur potentiel, via son courtier, une série de documents et de renseignements sur la copropriété. Cela inclut les procès-verbaux, les états financiers, la déclaration de copropriété, les informations sur le fonds de prévoyance, etc. L’objectif est de permettre à l’acheteur de donner un consentement éclairé. Si le CA fournit des informations incomplètes, erronées, ou tarde à les transmettre, il peut causer un préjudice direct à l’acheteur ou au vendeur. Une vente pourrait échouer, ou un acheteur pourrait découvrir après coup des problèmes majeurs (comme une cotisation spéciale imminente non divulguée) et décider de poursuivre le syndicat, et donc ses administrateurs.
Le cas suivant illustre bien cette responsabilité.
Étude de cas : Le rôle crucial du syndicat dans la transmission d’informations
Dans le cadre d’une vente, un promettant acheteur demande au syndicat l’accès à l’étude du fonds de prévoyance. Le conseil d’administration, par crainte de « faire peur » à l’acheteur avec le montant des travaux à venir, ne transmet qu’un résumé partiel. La vente se conclut. Six mois plus tard, une cotisation spéciale majeure, clairement annoncée dans l’étude complète, est votée. L’acheteur, s’estimant floué, peut engager des recours. Dans ce cas, les administrateurs ont manqué à leur devoir de transparence et de diligence. Comme le rappelle le portail LaCopropriete.info, le syndicat doit transmettre les documents qui permettent un consentement éclairé, tout en respectant la vie privée (par exemple, en caviardant les informations personnelles d’autres copropriétaires).
La protection offerte par l’OACIQ est donc à double tranchant : elle protège le public en assurant un haut niveau de transparence, ce qui, en retour, oblige les administrateurs à une rigueur administrative sans faille. Pour un administrateur, la meilleure stratégie est de mettre en place un « dossier de vente » standardisé, toujours à jour, qui peut être transmis rapidement et intégralement sur demande, moyennant des frais pour couvrir le temps administratif. C’est un acte de gouvernance proactive qui fluidifie les transactions et minimise les risques de litiges.
En respectant scrupuleusement ces exigences, le conseil d’administration non seulement facilite la vie de ses copropriétaires vendeurs, mais il érige également une barrière solide contre d’éventuelles poursuites pour vice d’information.
À retenir
- La responsabilité personnelle d’un administrateur provient plus souvent d’une série d’oublis (« cascade d’omissions ») que d’une seule faute grave.
- Une gouvernance proactive (conformité Loi 16, tenue du registre) et la connaissance de ses limites sont les meilleurs outils de protection.
- L’assurance A&D est un filet de sécurité indispensable pour couvrir les erreurs involontaires, mais elle ne remplace pas la diligence et la bonne foi.
Loi 16 et carnet d’entretien : pourquoi votre condo va-t-il perdre de la valeur si vous n’êtes pas à jour ?
La Loi 16 a profondément réformé le droit de la copropriété au Québec, et ses dispositions sont au cœur de la responsabilité des administrateurs pour les années à venir. Elle impose deux outils majeurs de gouvernance proactive : l’obligation de faire réaliser une étude du fonds de prévoyance par un professionnel et d’établir un carnet d’entretien de l’immeuble. Ignorer ces obligations n’est pas seulement un risque juridique ; c’est un acte qui diminuera directement et inévitablement la valeur de chaque unité de la copropriété.
Pourquoi ? Parce que ces documents sont devenus le bulletin de santé de l’immeuble. Pour les acheteurs et les prêteurs hypothécaires, un syndicat qui n’a pas son étude du fonds de prévoyance à jour ou qui n’a pas de carnet d’entretien est un immense drapeau rouge. Cela signale une gestion négligente et l’imminence probable de cotisations spéciales imprévues et élevées. Un acheteur bien conseillé exigera ces documents. S’ils sont absents, il pourra soit se retirer de la transaction, soit négocier le prix d’achat à la baisse pour compenser le risque qu’il prend. La valeur de votre condo est donc directement liée à la diligence de votre CA sur ce point. Pour les copropriétés existantes, il y a une date butoir : selon les dispositions transitoires de la Loi 16, la date limite pour faire établir le carnet d’entretien est fixée. Ne pas être en conformité à cette échéance sera une faute évidente.
Pour un administrateur, la non-conformité à la Loi 16 est une bombe à retardement. Comme le résume la firme d’ingénierie Genispec, les conséquences sont multiples :
Le syndicat peut s’exposer à des sanctions légales, à des actions en responsabilité si des problèmes surviennent, et à des difficultés lors de ventes ou refinancements.
– Genispec, Guide pour se conformer à la Loi 16 au Québec
La cascade d’omissions est ici limpide : ne pas commander l’étude à temps mène à un budget irréaliste, qui mène à un fonds de prévoyance sous-financé, qui mène à des cotisations spéciales massives lorsqu’un élément majeur (toiture, fenêtres) doit être remplacé. Les copropriétaires qui subissent ce choc financier auront beau jeu de poursuivre les administrateurs pour leur négligence à se conformer à la loi. La Loi 16 n’est donc pas une contrainte, mais un guide pour la saine gestion. C’est l’outil par excellence pour briser le cycle des réparations d’urgence et instaurer une culture de la prévoyance.
S’impliquer au sein de son CA, c’est donc prendre le contrôle de l’avenir financier de son patrimoine. En pilotant activement la mise en conformité avec la Loi 16, un administrateur ne fait pas que se protéger des poursuites : il devient le gardien de la valeur de l’ensemble de la copropriété.
Questions fréquentes sur la responsabilité des administrateurs au Québec
Un administrateur peut-il être payé au Québec ?
Oui, un administrateur peut être rémunéré pour ses fonctions si la déclaration de copropriété le permet ou si une résolution est votée en ce sens par l’assemblée des copropriétaires. Une rémunération, même symbolique, peut aider à reconnaître l’investissement en temps et à attirer des candidats compétents.
Que se passe-t-il si personne ne veut être administrateur ?
Si le syndicat se retrouve sans conseil d’administration et qu’aucune solution n’est trouvée (comme la nomination d’un gestionnaire externe), n’importe quel copropriétaire peut s’adresser au tribunal. Le tribunal peut alors nommer un administrateur provisoire ou un gestionnaire pour prendre en charge la gestion de la copropriété, souvent à des coûts élevés pour le syndicat.
Quelle est la différence entre la faute et la négligence pour un administrateur ?
En termes simples, la faute peut impliquer un acte positif (faire quelque chose de mal), tandis que la négligence est souvent une omission (ne pas faire quelque chose qui aurait dû être fait). Par exemple, choisir un entrepreneur incompétent malgré des avertissements est une faute. Oublier de renouveler l’assurance de l’immeuble est de la négligence. Les deux peuvent engager la responsabilité de l’administrateur, mais l’assurance A&D est précisément conçue pour couvrir ce type d’erreurs non intentionnelles.